Qand deux grands artistes italiens se rencontrent au siècle du roi bien-aimé Louis XV pour composer une parodie sur le pouvoir et la folie d’une verve aussi revigorante que moqueuse pour créer le tout nouveau genre Opéra-Comique, cela provoque un feu d’artifice !
Ainsi L’Arcifanfano de Goldoni mis en musique par Egidio Duni sur des paroles de Louis Anseaume, Pierre-Augustin Marcouville et Bertin d’Antilly, remporte un vif succès à sa création le 29 décembre 1760 à la Comédie Italienne à Paris.

Carlo Goldoni, le créateur de la comédie italienne moderne, influencé aussi bien par la commedia del arte que par Molière connaît bien Egidio Duni, directeur de la comédie italienne, ex-maître de chapelle à la cour du duc de Parme en 1748, où la duchesse, (fille de Louis XV) l’avait incité à composer dans le goût français ; il fait ainsi confiance à cet homme d’esprit et de littérature, à une époque où « la grâce et la beauté́ de la mélodie étaient le premier critère de qualité́ » dans l’opéra-comique. Et Duni osa remplacer les récitatifs chantés « jugés trop pesant pour une intrigue légère », par la déclamation parlée mêlés d’ariettes, respectant ainsi également le privilège de l’opéra.

Le New Year Music festival de Gstaad, a décidé de monter cette année, cet opéra-comique en 2 actes avec l’Ensemble Almazis et Iakovos Pappas, spécialiste de la musique française qui avait reconstitué avec succès Les Amants Magnifiques de Lully et Molière l’an dernier.
Les artistes aguerris, comédiens, chanteurs, tels Élizabeth Fernandez et Christophe Crapez, seront à l’Église de Rougemont avec de jeunes artistes très prometteurs pour incarner dans une légère scénographie, les personnages hilarants et très attachants qui traversent les amours du gouverneur de l’Isle, – le nommé Fanfolin, amoureux fou de Nicette, pupille du vieil avare Sordide, – comme Brisefer, fanfaron couard, Spendrif, sorte de Timon d’Athènes incorrigible, ou Follette et Glorieuse, deux soeurs, dont l’une rusée et laide, l’autre belle et sotte comme une oie.

Ils interprèteront des airs bien typés comme l’air de la folie, du sommeil (comme celui d’Atys de Lully), de fureur ou de douleur…
  Fuyez loin de nous,
  Tristes foux,
  Foux mélancoliques,
  Colériques,
  Frénétiques,
  Fuyez loin de nous,
  Venez aimables fous, dont l’heureuse manie,
  Est de rire & de chanter !

Ce spectacle est rarement donné dans sa version originale, qui témoigne fidèlement d’une époque qui voulait rester optimiste malgré tout. Nous en avons bien besoin aujourd’hui !

Le nouveau Gouverneur vient d’arriver dans “l’isle des foux”, lieu de réclusion des fous et folles. Dès son arrivée il est assailli par les “locataires” de cette ile. Son ordonnance l’informe de la coutume qui veut que chaque nouveau gouverneur doive libérer les fous qui ont “bien profité” de leur séjour dans l’ile. Le Gouverneur décide d’avoir un entretien avec chacun d’eux. Apparaissent alors les personnages les plus divers, allant de l’avare au prodigue, du sordide à l’ange, du fier à bras à la nymphomane. La nature humaine étant partout la même, surviennent des aventures imprévisibles, comiques ou tragiques et losque l’amour s’en mêle, la décision du Gouverneur va être d’autant plus difficile à prendre.

En 1758, Goldoni se trouve à Rome pour diriger l’une de ses pièces. Les comédiens napolitains, habitués à un tout autre répértoire, se révèlent si mauvais que la pièce tombe platement. Il faut sauver la situation ! Le proctecteur & commanditaire de Goldoni conseille de laisser les comédiens libres de travailler à leur mode; & voici en peu de mots, nous dit Goldoni dans ses mémoires, « l’arrangement auquel nous fumes obligés d’avoir recours .»
Il fut arrêté que les Napolitains donneraient leurs cavenas ordinaires, entremêlés d’intemèdes en musique, dont j’arrangerais les sujets sur des airs parodiés: ce projet fut mis en très peu de jours en exécution. Nous trouvâmes chez les marchands de musique, les meilleures partitions de mes opéras comique. Rome est une pépinière de chan- teurs; nous en trouvâmes deux bons & six passables: nous donnâmes, pour premier intermède, Archifanfano re dei pazzi, musique de Buranello; ce petit spectacle fit beaucoup de plaisir & le théâtre de Tordina se soutint de manière que M. le Comte n’y perdit pas beaucoup.
Quelques années plus tard en 1760, Duni, nouvellement installé à Paris, se souviendra de cet Archifanfano, & avec la complicité du libretiste Anseaume, fera paraître & representer une œuvre française tout à fait originale: L’isle des Foux.